Le canal historique, gardien de l'orthodoxie dubstep, regroupe les acteurs pionners de la scène à l'instar de Skream, Benga, Mala ou Pinch. Bien que ne s'interdisant pas l'innovation, loin de là, la majorité de leurs productions respecte les canons du genre, circa 2003-2004 : tempo halfstep, basses dub, références dread, nappes atmosphériques.
(Extrait de Tectonic Plates Vol.2 (Tectonic / 2009) en vente ici)
Appleblim & Ramadanman - Sous Le Sable (Aus Music / 2009)
D'une certaine manière, on constate le même phénomène avec les chantres de la gentrification représentés par Martyn, 2562 et toute une cohorte de suiveurs. Souvent issus de mouvements musicaux sur le déclin (deep house ou broken beat), les acteurs de l'embourgeoisement du genre opérent la même purge des éléments hardcore et tentent d'inscrire le mouvement dans la filiation Detroit en proposant une succession d'éléments soul censés légitimer leur profondeur musicale (références jazzy, nappes mélancoliques, cordes, samples vocaux conscious, breaks proprets). Là encore le résultat peut s'avérer tout à fait entousiasmant mais on mesure trop à quel point c'est aussi une tentative de trentenaires pour intégrer la playlist de Gilles Peterson.
Martyn - Far Away (Extrait de Great Lenghts (3024 / 2009) en vente ici)
Les revivalistes uk garage quant à eux ne jurent que par la rythmique 2step et nous replongent à la fin des années 1990 à coup de divas samplées mimant le plaisir charnel ou la déception amoureuse. En ce sens, ils produisent un son nettement plus funky et dynamique, à l'instar des réalisations de Sully, Silkie ou TRG, l'un des tout meilleurs producteurs en activité.
Sully - Duke St Dub (Mata-Syn / 2009)
De la même façon, le breakstep, présent dès le départ du mouvement, s'organise essentiellement autour d'une rythmique plus soutenue sur laquelle divaguent des éléments ambiants. Le résultat sonne la plupart du temps comme de la jungle passée en 33t si l'on en juge par les productions de Search & Destroy, Reso ou Dubchild.
Search & Destroy - Day Break (Destructive / 2009)
Les w****y boys (le terme wonky étant massivement rejeté par ses acteurs pour qualifier le sous genre) tentent de détourner le dubstep de son essence fonctionnaliste, en clair de cassser sa matrice rythmique, en y intégrant des éléments plus hip hop, grime et electronica. Souvent produit par des acteurs situés en périphérie de la scène comme Starkey, Zomby, Jaimie Vex'd ou Joker, le son w***y jouit d'une influence grandissante à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du mouvement.
Starkey - Miracles (Jamie Vex'd remix) (Planet Mu / 2009)
Les propagandistes de la basse wobble incarnent le dubstep tout entier aux yeux des novices tant ceux-ci noyautent aujourd'hui le dancefloor à coup de bangers. Basé sur un pilonnage continu d'infrabasses au service d'un tempo accéléré, le wobble reflète essentiellement les préoccupations masturbatoires de producteurs à la juvénilité virile tels Caspa, Rusko ou DZ. Renversant la proposition abstraite initiale du dubstep, le son insiste avant tout sur la physicalité club, parfois avec jouissance, mais on a toujours quand même préféré l'amour à plusieurs. Son efficacité apparente lui permet d'intégrer progressivement la sphère ghetto bass mondiale malgré un sérieux déficit de créativité et des morceaux trop souvent restés bloqués au stade anal.
Caspa - Rat-a-Tat Tat (Extrait de Everybody's Talking Nobody's Listening (Fabric / 2009) en vente ici)
Enfin les avant gardistes proposent de faire fructifier l'héritage de la scène en respectant les fondamentaux, tout en proposant un futur au genre à coup d'emprunts extérieurs et d'hybridations avec d'autres courants. Beaucoup font émerger un son post-Burial qui sonne comme de l'electronica à l'instar de Spatial ou Mount Kimbie. Des producteurs clés tels que Kode 9 ou Dusk & Blackdown explorent également de nouvelles pistes (funky house, banghra, dancehall), tout en se référant à l'identité sonore initiale. Tous partagent la préoccupation de renouveler le genre, de l'ouvrir, tout en évitant de le voir se dissoudre dans d'autres. En clair, ils demeurent les garants, à l'instar du canal historique, de l'unité du mouvement et tant que la basse est là, l'espoir d'un dubstep flamboyant peut demeurer.
Spatial - 90113 (Infrasonics / 2009)
Kode 9 - Black Sun (Hyperdub / 2009)
4 comments:
Chapô, jvais écouter tout ça
Nikki encore du vrai bon boulot, merci. C'est tout simplement excellent.
Superbe exposé de la situation du dubstep, Nikki ! J'ai lu ce post un peu tardivement, mais avec un énorme intérêt car il m'a permis de parfaire mes connaissances des caractéristiques des divers courants : lecture à conseiller à tout amateur du genre !
Je rejoins Pet à 100%.
Dommage que tu sois passé un peu à coté du courant "hardcore" qui voit un peu le jour avec des artistes comme Excision, Reso, Triage, Datsik, SPL... avec des ambiances extremement sombres, des woobles (mis pas cheap à la rusko), des beats complexes et compos assez variées (pour du dubstep).
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