Where were you in ’92 ? : l’interrogation semble agiter la génération fluokid depuis que Mia en a fait un slogan fédérateur sur son album Kala. Pourtant d’AC Slater à Zomby, la véritable réponse se situe probablement entre la petite et grande section de maternelle. Mais bien sûr, seule l’importance symbolique de la question est à prendre en compte comme en témoignent les dernières productions de l’électro mondiale, qui, quasiment toutes, paient leur tribut à 1992. Dernier exemple en date, les productions et remixes de Rico Tubbs recrachent tous les gimmicks de cette époque bénie, bien que largement mythifiée.
Derrière la date magique, opérant comme un véritable sésame aujourd’hui, se cache en réalité le phénomène socioculturel le plus stupéfiant de l’histoire de la techno, bien que limité au Royaume-Uni. En effet, la période marque la massification du phénomène rave associée à la constitution d’une identité sonore ahurissante et à des codes subculturels spécifiques. Là où jusqu’ici le mouvement restait parcellisé en sous genres (Chicago house, techno de Detroit, garage...), le son british de 1992 réussit à agglomérer une constellation d’influences antagonistes dont le projet ultime est de simplement fournir la bande-son escapist à toute une génération d’Anglais prolétarisés par les années Thatcher mais désormais en pleine montée d’ecsta.
Et l’impensable se produit : des milliers de fans de hip hop, des rastas, des lads, des hordes d’indie rockers se retrouvent unis au fin fond de l’Essex autour d’une potion magique on ne peut plus fédératrice : samples vocaux piqués à des tubes pop cheesy overpitchés (principe repris par la Bmore ou le baile funk), infrabasses sans cesse triturées, séquence mentasm à tous les étages, piano italiens épileptiques, influences ragga, et surtout, c’est la grosse différence avec le son techno qui se développe alors sur le continent européen, utilisation de breakbeats hip hop constamment accélérés à mesure que la frénésie rave s’épanouit (archives à visionner ici).
Le truc est tellement énorme que les charts sont régulièrement pris d’assaut par des tracks sortis de nulle part, produits par des kids aux pseudos improbables (Altern 8, SL2, Awesome 3, Sonz of Da Loop Da Loop Era). Merci papa, merci maman pour l’Amiga offert à Noël... La mixture ainsi synthétisée prend le doux nom de hardcore ou breakbeat hardcore tant les tenants du bon goût de l’époque en sont horrifiés. Ces derniers opèrent d’ailleurs un repli stratégique et réactionnaire vers la transe ou la house progressive (la minimale de l’époque !), créant ainsi les premières communautés de puristes de l’histoire de la house, réfugiées dans des clubs élitistes. Les autres, c’est-à-dire tout ado boutonneux normalement constitué, œuvrent à l’édification de l’utopie rave, c’est-à-dire la création d’une Zone d’Autonomie Temporaire qui transcende statuts social, sexuel et ethnique où tout n’est plus qu’amour et fraternité.
Si la parenthèse fédératrice se refermera dès 1993, on comprend aisément la nostalgie qu’elle peut susciter chez ceux qui ne l’ont pas connu : 1992, c’est un peu le mai 68 techno des moins de 30 ans. Il est ainsi plus facile d’appréhender le projet musical global de gens à priori aussi différents qu’Hervé, Diplo ou Kazey & Bulldog, leur éclectisme apparent renvoyant tout simplement à l’âge d’or de la rave music pas encore fragmentée en micro tendances qui constituent autant de chapelles et de cul-de-sac, à la volonté de recréation d’une communauté multiculturelle unie, à un retour à l’innocence originelle de la fête avant que celle-ci ne soit récupérée par les marchands du temple sous le nom de clubbing.
Derrière la date magique, opérant comme un véritable sésame aujourd’hui, se cache en réalité le phénomène socioculturel le plus stupéfiant de l’histoire de la techno, bien que limité au Royaume-Uni. En effet, la période marque la massification du phénomène rave associée à la constitution d’une identité sonore ahurissante et à des codes subculturels spécifiques. Là où jusqu’ici le mouvement restait parcellisé en sous genres (Chicago house, techno de Detroit, garage...), le son british de 1992 réussit à agglomérer une constellation d’influences antagonistes dont le projet ultime est de simplement fournir la bande-son escapist à toute une génération d’Anglais prolétarisés par les années Thatcher mais désormais en pleine montée d’ecsta.
Et l’impensable se produit : des milliers de fans de hip hop, des rastas, des lads, des hordes d’indie rockers se retrouvent unis au fin fond de l’Essex autour d’une potion magique on ne peut plus fédératrice : samples vocaux piqués à des tubes pop cheesy overpitchés (principe repris par la Bmore ou le baile funk), infrabasses sans cesse triturées, séquence mentasm à tous les étages, piano italiens épileptiques, influences ragga, et surtout, c’est la grosse différence avec le son techno qui se développe alors sur le continent européen, utilisation de breakbeats hip hop constamment accélérés à mesure que la frénésie rave s’épanouit (archives à visionner ici).
Le truc est tellement énorme que les charts sont régulièrement pris d’assaut par des tracks sortis de nulle part, produits par des kids aux pseudos improbables (Altern 8, SL2, Awesome 3, Sonz of Da Loop Da Loop Era). Merci papa, merci maman pour l’Amiga offert à Noël... La mixture ainsi synthétisée prend le doux nom de hardcore ou breakbeat hardcore tant les tenants du bon goût de l’époque en sont horrifiés. Ces derniers opèrent d’ailleurs un repli stratégique et réactionnaire vers la transe ou la house progressive (la minimale de l’époque !), créant ainsi les premières communautés de puristes de l’histoire de la house, réfugiées dans des clubs élitistes. Les autres, c’est-à-dire tout ado boutonneux normalement constitué, œuvrent à l’édification de l’utopie rave, c’est-à-dire la création d’une Zone d’Autonomie Temporaire qui transcende statuts social, sexuel et ethnique où tout n’est plus qu’amour et fraternité.
Si la parenthèse fédératrice se refermera dès 1993, on comprend aisément la nostalgie qu’elle peut susciter chez ceux qui ne l’ont pas connu : 1992, c’est un peu le mai 68 techno des moins de 30 ans. Il est ainsi plus facile d’appréhender le projet musical global de gens à priori aussi différents qu’Hervé, Diplo ou Kazey & Bulldog, leur éclectisme apparent renvoyant tout simplement à l’âge d’or de la rave music pas encore fragmentée en micro tendances qui constituent autant de chapelles et de cul-de-sac, à la volonté de recréation d’une communauté multiculturelle unie, à un retour à l’innocence originelle de la fête avant que celle-ci ne soit récupérée par les marchands du temple sous le nom de clubbing.
Bonus : top ten subjectif breakbeat hardcore 1992
12 comments:
Très très instructif ce message.
vraiment très complet, je vais me jeter sur tout ça. merci
excellent cet article, très bien écrit et très bien référencé.
Top 10 vraiment subjectif!
il n'y a même pas le Evapor8 de Altern8!
ni même un Hardcore will never die de Q-Bass....
Where i was in 92? encore au lycée mais quelques années plus tard derrière les platines avec du suburban base plein mon bac!! rave on!
Bon article, qui permet de rendre à Csar ce qui appartient à César, et d'apprendre aux kidz que les producteurs du moments n'ont rien inventés :)
Merci , c'est cool
Oui Suburban Base était vraiment un bon label affilié au magasin de disques Boogie Times ( à Romford) que l'on voit dans le clip de sonz of da loop da loop era( peace & lovism était meilleur mais pas de clip , j'adorais aussi le mini ep de 1993 , "flowers in my garden") . Désolé je n'ai même pas mis un truc du label Reinforced ni de Formation , ni de Moving Shadow , mais il y avait vraiment trop de trucs énormes !!! Perso mon groupe préféré c'était Foul Play . Je ne m'attendais pas à des réactions pareilles en fait , en 1992 seuls ceux qui comme moi avaient découvert le truc au Royaume-Uni kiffaient ce son ...En France les beats 4/4 dominaient dans les raves
MOVE MY BODY, MOVE MY BODY !!!!
Merci historien de la dance music de remettre les pendules à l'heure !!
C'est clair Reinforced, Moving Shadow!!!
2 Bad Mice, 4 Hero......Mr Kirk!!!!!
putain c'est bon ça :)
Ça fait plusieurs fois que tu nous laisses des comments, The Raver Avenger!, ce que nous apprécions grave, sans nous laisser le plaisir de te connaître. As-tu un myspace ou un autre truc dans le même genre qui puisse nous permettre de te découvrir un petit peu plus ?
A très bientôt et merci encore pour ton assiduité.
Merci!
Mais que deviendrait le Raver Avenger! si son identité était révélée?
J'ai quand même laissé un indice :)
Tu sais : on s'en doutait ! Enfin, je dois rendre à César ce qui est à César, car c'est Nikki Sonic qui avait de (justes) soupçons sur ton identité. Très bon blog au passage que le tien ! Je suppose que c'était aussi toi The Bmore Avenger, non ?
Haha! oui :)
Super article, très instructif, très dense.
Et merci pour la sélec de morceaux (même si elle est en effet bien subjective^^ ), il y en a que vous êtes allés chercher loin !
Post a Comment