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Les sorties en rafale des albums signés Rustie, Joker et Damu, auxquelles on peut adjoindre les travaux d'Hudson Mohawke et Araabmuzik, attestent d'une relative convergence entre l'underground electro et le mainstream pop. Bien qu'originaires d'univers musicaux divers, ces enfants de la boucle semblent en effet tous vouloir opérer une étrange synthèse musicale à partir des gimmicks les plus éculés de l'eurotrance 90's et du R'n'B tendance chaudasse , à tel point que le résultat peut sonner comme une version grime des productions contemporaines concoctées pour les divas US en mal de hits planétaires.Ayant assimilé à peu près tout et son contraire musical , ces objets sonores mal identifiés ont fait le choix de la fougue adolescente, c'est-à-dire de recracher l'ensemble de leurs influences sous une forme maximaliste, peut-être en réaction à l'austérité prononcée d'une certaine tendance post-dubstep. Presque systématiquement donc, leurs morceaux mettent en avant des synthés flambloyants (ou criards, c'est selon) ainsi que des boucles vocales sous hélium quand leurs charpentes rythmiques hésitent entre breakbeats hip-hop et séquences plus 4/4. Alors swag ou pas swag ? Ben tout dépend du producteur considéré.
Rustie est clairement celui qui s'en sort le plus brillamment .Sur son opus Glass Swords, il parvient à dépasser l'opposition populisme/élitisme en proposant une version aphone mais toujours clinquante du R'n'B. Ses morceaux procurent ainsi l'impression d'être projeté dans un gigantesque parc d'attractions où l'excitation se mêle à la peur de vomir devant tant de montagnes russes dévalées. Les tracks aguichent le chaland à coups de basses slapées (!), de lignes mélodiques euphoriques, de montées vertigineuses sans pour autant que le tout ne mute en fête à neuneu. Le tour de force nous semble devoir beaucoup au background breakbeat hardcore et grime qui sous-tend l'affaire. A l'écoute de Glass Swords, on pense souvent à Sonz Of Da Loop Da Loop Era pour la folie junévile , à Ruff Squad pour l'aspect décharné mais chatoyant et à Tiësto pour on ne sait quelle raison. Bref du grand art qui interroge les frontières entre références nobles et mauvais goût, c'est-à-dire tout ce qu'on aime.
Rustie - Ultra Thizz (taken from Glass Swords) by Rustie
Rustie - All Nite (taken from Glass Swords) by Rustie
Damu reste quant à lui un peu plus dans la retenue. Plus proche d'un Deadboy que de l'eurotrance, son très solide Unity propose une relecture bass (voire bleep) du R'n'B, finalement assez partagée en 2011 . Le principal intérêt de la chose réside dans son hésitation constante et touchante entre le contemplatif et le festif, entre rester chez soi et sortir en club. Du coup ce sera peut-être l'album préféré des bedroom djs cette année.
Don't Cry In My Bed by Damu
Breathless by Damu
Le cas Joker est plus délicat, son premier album suscitant la déception. Pourtant pionnier d'un son purple qui réhabilitait les synthés chatoyants au sein des austères scènes grime/dubstep circa 2007 avec un morceau comme Grimey Princess , le producteur de Bristol se montre trop fréquemment complaisant sur The Vision. La faute en revient à des vocalistes qui surlignent inutilement les dynamiques rythmiques des tracks (sur Slaughter House par exemple).Malgré quelques instrumentaux aventureux , l'ensemble demeure trop formaté pour n'avoir d'autre mérite que celui de casser l'image élitiste du label 4AD sur lequel il est publié.
PS : Rustie - Glass Swords (Warp): déjà paru / Joker - The Vision (4AD): sortie prévue le 31 octobre / Damu - Unity (Keysound): sortie prévue le 7 novembre.
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