Depuis les fameux eskibeats du producteur Wiley au début des années 2000, la scène grime s'est emparée de la pratique jamaïcaine du riddim. Déformation caribéenne de l'anglais rhythm, le terme désigne une séquence rythmique censée constituer l'épine dorsale d'une chanson dont la partie vocale reste à inventer. Sorte d'équivalent du track techno, le riddim s'en distingue toutefois à la fois par sa finalité originelle (faire tapisserie derrière des mélodies chantées) et par ses multiples réemplois conduisant à la création de nombreux morceaux partageant donc la même structure rythmique. Si ce recyclage musical permanent trouve un écho favorable auprès des producteurs grime, c'est probablement pour des raisons artistico-économiques : d'un côté le courant s'est avant tout cristallisé autour de l'idée qu'il constituait une forme typiquement britannique du hip-hop et que donc ses productions musicales devaient s'envisager comme des "mc tools" , de l'autre, compte tenu de la faiblesse des moyens et savoirs techniques disponibles au départ , les beatmakers ont tenté de maximiser les profits à tirer de leurs créations décharnées en les proposant à plusieurs vocalistes. Paradoxalement, cet arte povera londonien qu'incarne le grime des origines a su générer d'incroyables instrumentaux dont l'avant-gardisme procède souvent du principe less is more. En témoigne l'exemple toujours d'actualité du formidable Woo Riddim, produit par SX, dont il doit bien, au bas mot, exister une vingtaine de versions : vocalisé entre autres mcs par D Double E, Harry Shotta ou Footsie , le morceau s'est également vu remixé par DJ Q puis "mashupisé" par Ramadanman/Pearson Sound !
SX - Woo Riddim
D Double E - Bad To The Bone (Woo Riddim)
Footsie - Where's My Scrilla (Woo Riddim)
SX Vs Ramadanman - Woo Glut
Plus direct et moins nuancé que son valeureux prédécesseur, le riddim Ghost Train , produit par Frisco, tente à son tour de s'imposer comme l'instrumental grime incontournable du moment. Bien que vocalisé par une myriade de talentueux mcs, le morceau intéresse surtout par sa capacité à se réapproprier l'éthique et l'esthétique de la techno early 90's à travers un son hardcore menaçant et sans concession qui n'est pas sans rappeler le Mentasm de Joey Beltram. Il vient par ailleurs souligner à quel point le grime peut s'avérer un hybride musical stimulant pour peu que l'on cesse de le considérer comme une simple attraction inoffensive de fête foraine.
Frisco - Ghost Train Freestyle (Boy Better Know / 2011)
2 comments:
nikki, j'aime quand tu me parles de grime!!!
Manu, j'aime quand tu me laisses un comment !
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