High Maintenance in Toulouse

15 October 2009

Du ghetto au sein de Maman...



Etienne (Maman Records / M&B) est un ami dont nous avons envie de parler depuis des mois, mais les aléas de la vie ont longtemps retardé ce moment, qui arrive enfin ! Je ne le présenterai que très brièvement, puisque l'interview qui suit en dit long sur lui, sur son parcours, ses (larges) influences, ses projets. Je reviendrai simplement sur son passé toulousain, qui n'est qu'évoqué dans l'interview. J'ai donc rencontré Etienne il y a quelques années à l'occasion de deux soirées - justement intitulées Electrochoc - que Rouge Baiser et moi-même (sous d'autres noms) avions organisées à l'Almodo'Bar. Il était venu avec ses potes, la casquette vissée sur la tête, intrigué par ce flyer qui mentionnait entre autres Dopplereffekt parmi les sources d'inspiration des djs programmés. Ses amis et lui-même, à l'alcoolémie très élevée (enfin, sans doute plus ses amis que lui-même) ont largement contribué à l'ambiance déjantée de ces deux petites soirées (gardons le sens des proportions) organisées dans ce bar qui n'en demandait pas tant, quoi qu'ait pu en dire le patron...

Nous avons appris par la suite que ces fous qui avaient envahi la salle étaient eux-mêmes djs ou mc's et qu'ils organisaient eux aussi des soirées sans autre ambition que de ghettoïser la scène toulousaine, le plus souvent trop sage. On se souvient notamment d'une soirée mémorable au Ragtime. Ce collectif formait le Down South Crew et Etienne était Heatkid, et ses camarades Julien et Philippe se surnommaient respectivement Lil'Ju et P.M.E. aka Nest. Le plus barré de tous, Beecat, le roi de la moustache postiche, est parti depuis pour Amsterdam et on ne s'en étonnera pas outre mesure... Heatkid, dans les soirées du Crew, mixait en vinyle la musique club la plus sexy que Dieu ait jamais créée, du Bmore à la juke.

Depuis, Heatkid a parcouru bien du chemin et sa devise n'est plus de réchauffer les kids, mais plutôt : "I eat kids" ! Enfin, ça, c'était avant de passer chez Maman Records et de redevenir tout simplement Etienne... Tout cela est bien compliqué, mais l'interview est là pour vous éclairer et le mix pour vous titiller les lobes.

HMiT : Etienne, peux-tu te présenter, s'il te plaît, à ceux de nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?
Je viens du sud-ouest, Bergerac - Périgord, et après avoir passé plusieurs années à Bordeaux et Toulouse, j'ai atterri à Paris où je suis passé par le Triptyque, puis par Phunk Promotion. Je travaille actuellement chez We Become. Ma vie se résume à bonne chaire et musique... Mes parents étaient disquaires et j'ai grandi entre des piles de LP des Clashs, de Johnny Thunders, de Dr John ou des Meters et de 45t d'Otis Redding, d'Eddie & The Hot Rods ou de Lee Scratch Perry, ce qui m'a permis de m'ouvrir musicalement assez tôt. Après un parcours plutôt chahuté, mes pieds sont retombés sur la musique électronique et j'y ai découvert le mix.

HMiT : Ton parcours est intéressant, car tu as fait de ta passion pour la musique un métier. Cela peut inciter ceux qui nous lisent à franchir le pas à leur tour. Peux-tu nous raconter comment tu as embrassé la carrière musicale, si j'ose dire !
En ce qui concerne la partie professionnelle, j'étais empêtré dans des études de sociologie, et j'ai rencontré la bonne personne, celle qui m'a ouvert les yeux, mis un coup de pied au cul et qui m'a fait comprendre que je pouvais bosser dans ce qui me plaisait le plus, la musique. Gnaque + stages, ça ouvre des portes (enfin faut pas se gêner pour les défoncer aussi...). Côté "passion-musique", j'ai commencé par organiser des concerts de hardcore et de metal dans mon sud-ouest natal, puis lorsque je suis passé à la techno, ben... j'ai couché, et j'ai fait des soirées ! En revanche, le djing reste une activité marginale pour moi qui ai la tête dans le guidon au niveau boulot.

HMiT : Peux-tu nous dire quelles sont, parmi les dates que tu as eu l'occasion de faire jusque-là, celles dont tu gardes le meilleur souvenir ? Par ailleurs, quelles sont celles qui s'annoncent dans les prochaines semaines ?
Du côté des dates qui m'ont marqué, il y a bien sûr ma première date dans un vrai 'CLUB', à Paris, au Triptyque. Il y a également ma première date à Londres pour la soirée Walk The Night au Amersham Arms. D'autres ? Mixer à Topshop (!), faire le warm up avec le SISTERS Sound System pour la soirée We Love Fantasy (sur des enceintes Funktion One, mama mia...). Bref, c'est presque à chaque fois d'excellents souvenirs, du moment que c'est dans de bonnes conditions et entouré de gens sympa... Pour les dates à venir, il y a le 24 Octobre, la fête de naissance de Maman Records, le label de Hervé "Futon" Siard qui a fait la D.A. de la compilation SISTERS. C'est Chez Moune et au Sans Souci avec Rove Dogs, Chateau Marmont, Guido et d'autres loulous. Aussi une grosse nuit au Batofar, le 20 novembre, avec DJ Pete aka Substance - artiste Berlinois mythique qui fait partie de Basic Channel - et Le Loup, parisien signé sur le label New Yorkais Wolf+Lamb, qui fait un bien fou à la deep house. Sinon, vous risquez peut-être aussi de me croiser aux warm up Chez Régine de temps à autre, mais c'est à confirmer...

HMiT : Que penses-tu de Paris et en particulier de sa scène électronique ? Dirais-tu que c'est une ville plutôt ouverte dans laquelle on peut avoir sa chance, si on se montre très motivé, ou plutôt fermée, cadenassée par ceux qui sont déjà en place ?
Pas facile comme question ! On a un réseau de clubs qui est ce qu'il est, et qui fait ce qu'il peut. Ensuite, il y a un bon réseau d'endroits un peu moins évidents, mais dans lesquels on peut bien s'amuser ! Niveau scène, il n'y en a pas vraiment, je crois, car il n'y a pas véritablement d'esprit fédérateur. C'est plus par groupes d'affinité que ça fonctionne, à mon avis.

HMiT : Mais ne nous limitons pas aux musiques électroniques stricto sensu. Je crois savoir en effet que ton passage chez Phunk a pu te sensibiliser à une certaine scène pop déviante d'aujourd'hui. Quelle place a-t-elle à Paris ?
Tout à fait. Avant tout, comme je te le disais au début de l'interview, je ne suis pas uniquement sensible à la musique électronique. Je peux passer des journées à écouter des vieux albums des Stones, MC5, des Damned, mais aussi de Robert Johnson ou même de country, de Waylon Jennings à Hank Williams... Et je vais te révéler mon petit vice perso : je suis un ancien fan de Hardcore et de Black Metal ! Mon passage chez Phunk m'a ouvert les yeux sur un spectre électronique plus large. Outre le fait de découvrir pas mal de nouveaux groupes via la compilation SISTERS et la sphère "electro-pop" en général, je me suis aussi ouvert à des trucs beaucoup plus discoïdes, d'autant plus que c'est beaucoup plus pratique et sympa à mixer dans des petits endroits et dans des bars ! La Techno, elle, a vraiment besoin d'être jouée sur des gros soundsystems à mon goût.

HMiT : On sait que tu as été un des pionniers à Toulouse de la ghetto music, et en particulier de tout ce qui provenait des Etats-Unis. Peux-tu nous expliquer en quelques mots comment tu en es venu à ses musiques et nous raconter les soirées que tu organisais dans la ville rose avec ton collectif à l'époque ? Tu as aujourd'hui pris une direction musicale totalement différente. Pourquoi ? S'agit-il d'une forme de reniement ?
Je n'irai pas jusqu'à dire que j'étais un des pionniers de quoi que ce soit ! Evidemment, à l'époque, on avait des sons un peu bizarres et un peu en avance du fait d'une curiosité assez insatiable. C'était un peu bordélique, et d'ailleurs, il n'y avait rien de vraiment construit : on appelait même des trucs comme Modeselektor "Eurocrunk" à l'époque ! Quant à moi, j'étais plus sur la juke ou les trucs ghetto de Chicago/Detroit. Je m'en suis écarté mais je ne renie rien ; j'ai juste l'impression parfois que, malgré quelque perf. de sang neuf de temps en temps, le truc tourne un peu en rond...

HMiT : Parlons donc du présent. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur les labels ou artistes qui t'intéressent le plus en ce moment ? Et quel rejeton, dans la vaste famille des musiques électroniques, est le plus prometteur selon toi ?
Indéniablement, niveau Techno, Ostgut Ton (le label du Berghain avec Ben Klock, Marcel Dettmann, Marcel Fengler, Prosumer...) est en train de truster les charts ! Sinon Motor City Drum Ensemble est très, très en forme en ce moment (un album est prévu pour 2010 apparemment) : rien qu'à écouter ses remixes de DJ Sprinkles ou de DJ T sur le mix, c'est une évidence. Sinon, en vrac, j'aime bien Seth Throxler, Tadeo et toute la clique de Net28/CMYK/Apnea, Soundstream, Donato Dozzy, Lee Curtiss et les New Yorkais de Wolf+Lamb, Jus'Ed, Levon Vincent, ou des trucs plus Deep/Dub Techno, genre Marko Fürstenberg, Echospace, ou encore les vieilles perles Techno du début des années 90 que je trouve sur Youtube, ou, pour finir, un peu de Dubstep aux sonorités très Techno - Martyn, 2562, Shackleton, Appleblim, Beat Pharmacy, Ramadanman. En général, je suis plus les labels que les artistes : Vidab, Modern Love, Smallville, Figure, Wagon Repair, Buzzin' Fly, Mothership, Kill The DJ, 8bit/Cecille, Oslo, Leftroom, Mountain People, Spectral, Connaisseur, Freerange, Fondation... Je n'aime pas trop me restreindre à un genre en particulier et, de fait, je ne vois pas vraiment de genre prometteur. En revanche, je pense que les interminables ersatz Minimal au kilomètre de M_nus [NDR: et je suis bien d'accord avec toi !] sont de plus en plus voués à disparaître, au profit d'un son plus chaud, plus chaleureux... ou encore plus froid !

HMiT : Toi qui as des affinités avec Londres, quel regard jettes-tu sur la scène anglaise, protéiforme par essence, qui tente aujourd'hui plus que jamais les brassages les plus improbables, musiques folklorique et techno, bon et mauvais goût ? C'est également ce que tente de faire un label français tel que Sound Pellegrino, autour duquel le buzz est considérable. La démarche de Teki Latex et d'Orgasmic te semble-t-elle pertinente ?
J'aime vraiment ces brassages improbables. Pour moi, Londres bénéficie toujours d'une certaine vitalité, due au fait de l'urgence dans laquelle les gens et les jeunes en particulier y vivent au jour le jour. J'aime d'ailleurs voir de quelle manière des groupes comme The XX explosent, au même titre que des trucs trans-genres comme Radioclit, ou la manière dont s'est imposé le Dubstep depuis quelques années, ou encore l'omniprésence du Rock... C'est sain, les idées se mélangent, mais bon, c'est pas forcément toujours de bon goût ! J'aime bien la démarche de Sound Pellegrino, mais je ne suis pas vraiment sensible aux sons qui sortent sur le label. En revanche, j'aime bien le travail de leurs graphistes du Ill Studio : comme toujours dans la galaxie Institubes, il y a une vraie démarche esthétique qui force le respect. Un tour de force pour un label digital.

HMiT : Essayons à présent d'en revenir doucement au mix que tu proposes aujourd'hui aux lecteurs du blog. On sait que les techniques de mix sont aujourd'hui très variées. Dis-nous comment tu mixes et avec quel matériel. Et, à ce propos, qu'est-ce pour toi qu'un mix réussi ?
Le mix a été fait avec 2 platines CDJ 1000 et une mixette Pioneer DJM 900. En revanche, je suis un accro aux vinyles et je me ruine tous les mois chez les disquaires ou sur le net. Donc, lorsque je vais mixer dans un "vrai club" avec un vrai DJ Booth, je sors mes disques avec un très grand plaisir. En revanche, quand je mixe dans des bars (des trucs plus electro pop / disco ou même rock : je fais un peu le selector en fait...), je mixe sur CD. Pour faire bref, le vinyle, ça glisse, mais les CD, c'est bien pratique quand même ;) Ce qu'est un mix réussi, c'est difficile à dire, mais un mix raté, tu le grilles tout de suite !

HMiT : J'aimerais maintenant que tu nous décrives avec tes propres mots le mix que tu nous as concocté et que, personnellement, j'aime beaucoup !
C'est en quelque sorte un panorama des trucs Techno et House que j'aime en ce moment. On commence avec un titre d'intro Dub Techno (j'aime bien démarrer par un truc bien deep, limite pas dansant du tout), puis ensuite ça vire plus deep house avec Le Loup et jusqu'au morceau de Rick Wade, qui a un côté assez Detroit. Ensuite, on enchaîne sur des trucs plus durs, avec Marcel Fengler et jusqu'au remix de Len Faki en forme de peak time, pour redescendre doucement en fin de mix sur ce merveilleux remix de DJ Sprinkles par Motor City Drum Ensemble.

HMiT : Enfin, pour conclure, fais-nous quelques confidences sur tes projets en cours. Est-ce que tu t'es lancé dans la production ?
J'ai fait quelques tracks pour ma pomme par le passé, mais là, j'ai mis le truc en stand-by. J'attends un déménagement imminent pour m'installer comme il faut un petit coin 'studio'. Comme je ne suis pas un "musicien naturel", j'ai terriblement besoin d'être dans un confort optimum, et avec une motivation de fer. Mais ça va venir, je prends mon temps, je ne suis pas pressé... A part ça, j'ai intégré récemment l'équipe de Maman Records, un label digital qui est en train de se monter, et qui sort une première référence, le Sheraff Ep, le 26 octobre [NDR : nous aurons l'occasion d'en reparler]. Côté mix, on est en train de monter pour le label un projet de "paires de dj" assez versatiles, avec Hervé Futon, Guido et un autre DJ. On ne peut pas vraiment en dire plus pour le moment, vu que c'est en cours de réflexion, mais on compte bien truster quelques soirées entre Paris et Londres... A suivre !

Nous tenons à remercier à nouveau Etienne de s'être prêté au jeu de l'interview et nous vous laissons avec un mix qu'il a enregistré mi-septembre. Les quelques semaines qui se sont écoulées depuis ont été nécessaires à l'élaboration de ce post et n'ôtent rien à la fraîcheur de la musique que nous propose Etienne.

September MIX by Etienne Dauta

[Pour connaître la playlist, cliquez sur le lien situé sous le player.]

5 comments:

FOLKLORIC BOOTY PLACE said...

PASSÉ BLACk METAL+TECHNO BERGHAIN= J'ADORE

groovup said...

Belle itw mister Cooper. Et tu dors quand ? Quel boulot !!!

Spliff said...

J'aime les gens qui écoute de la musique <3

Aurore said...

Un très bon mix ! J'adore !

Etienne said...

Merci pour les feedbacks ;)