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Peut-on encore aujourd'hui envisager le futur à l'aune de l' idée que l'on s'en faisait au début des années 1990 ? C'est la question que suggère l'écoute du dernier album de Lone tant celui-ci semble affligé du syndrome rétromania, section musique électronique à destination du jeune public. Bien sûr Galaxy Garden est loin d'être le seul à recycler l'utopie rave originelle tant on constate avec Simon Reynolds l'omniprésence de titres récents se réappropriant,voire pillant, le glorieux héritage boom-boom nineties. Si on peut gloser à l'infini sur l'aspect conservateur de la démarche, qui en dit long sur l'impasse créative mais surtout sociopolitique de l'époque, ce qui intrigue chez Lone, outre sa propension à virer dangereusement muzak, c'est sa façon de confronter deux traditions musicalement antinomiques de la techno originelle.
Galaxy Garden réactive d'abord la tendance (afro)futuriste présente chez Underground Resistance, la substance politique en moins, ou Jacob's Optical Strairway, soit les junglists 4 Hero signés à l'époque sur le label actuel de Lone à savoir R&S.En avant donc pour un programme tout cheminadesque de conquête spatiale, de mondes parallèles à explorer et d'expériences cosmiques envisagés comme la promesse d'un avenir radieux , ce que suggère le déploiement de nappes oscillant entre luxuriance et apaisement, virtualisant un Eden à portée de fusée. En cela Lone recycle l'image d'une utopie révolue (la certitude d'un ailleurs plus clément), passée la nouvelle frontière symbolique qu'a pu constituer l'an 2000.
L'affaire serait pliée sous la forme d'un revivalisme unidimensionnel si Lone n'y apportait pas une contradiction musicale majeure qui plonge l'auditeur de Galaxy Garden dans une confusion temporelle déstabilisante, car son futur antérieur est conjugué au présent d'un passé que l'on peut dater des années 1991-1992. Explications: à coups de breakbeats cinglants, de stabs énormes, de micro-samples vocaux vindicatifs, Lone convoque également l'esprit "ici et maintenant" jadis développé par le son hardcore britannique, lequel se fichait bien de se projeter au-delà de 7h du matin puisque c'était dans l'instant de l'expérience rave que se construisait la promesse d'un monde meilleur. Le changement c'était maintenant comme vient nous le rappeler le sentiment d'urgence émanant de Crystal Caverns 1991 ou Raindance, qui comptent parmi les morceaux les plus réussis de l'album.
Galaxy Garden pervertit ainsi le pur exercice rétro-rave en accumulant les paradoxes temporels générés par deux formes de nostalgie , celle d'une période où le présent se suffisait à lui-même et celle d'une époque où le futur avait encore un avenir, qui néanmoins se confondent dans le souvenir de la dimension "escapiste" d'un temps plus utopiste que le nôtre, le temps de l'innocence, le temps de nos 20 ans.
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