24 October 2016
Retour sur la Toulouse House Nation #22 - Solune (Bass Cadet Records / Berlin)
Nous avons reçu il y a peu, pour inaugurer la nouvelle saison de nos Toulouse House Nation parties (voir l'event ici), Etienne aka Solune, résidant à Berlin, co-fondateur du label et vinyl shop Bass Cadet et moitié du duo Arcarsenal. Et je dois dire que nous en gardons un très bon souvenir ! Ainsi, pour nous remémorer l'excellente soirée passée en sa compagnie, nous avons décidé de lui accorder une interview.
Bonne lecture !
HMiT : Bonjour Etienne, pour commencer, si tu veux bien, nous allons remonter quelque peu dans le temps. Tu as la trentaine et tu as passé ta jeunesse dans le Sud-Ouest. Je sais, pour l’avoir vécu, ô combien il était à cette époque difficile d’accéder à l’underground de la musique, électronique en particulier. Comment ta rencontre avec les musiques électroniques s’est-elle donc faite ?
Hello HMiT. En effet je suis originaire de Bergerac. J’ai grandi dans la collection de disques de mon père qui y a tenu un magasin de disques dans les années 70/80. J’ai eu accès à un large spectre musical, principalement rhythm & blues, soul, funk, rock, punk, reggae… Puis j’ai fait mon éducation électronique tout seul en grandissant. D’abord en découvrant les clips d’Aphex Twin ou des Chemical Brothers, et les douceurs chaleureuses de Stardust et de la French Touch. Mais je n’ai réellement accroché que lorsque j’ai redécouvert ces sons-là quelques années plus tard en écoutant par hasard le Weiss Mix d’Ellen Allien en rentrant d’un concert à Périgueux avec une copine. On devait être en 2003 ou 2004. À partir de là je me suis mis à dévorer tout ce que je pouvais de cette culture, j’ai commencé à sortir au Zoobizarre puis au Plug à Bordeaux où j’ai découvert plus en profondeur l’électro de Detroit avec des artistes comme Ultradyne entre autres. Je sortais également à Toulouse où j’étais étudiant, au Rag Time et au Shangaï notamment. Je me suis mis au mix vers l’âge de 18 ans. J’ai commencé à fréquenter les disquaires electro dont Dancefloor Killers et Total Heaven, mais aussi des boutiques en ligne comme Nuloop… C’était aussi le moment d’un nouveau départ en France autour de labels défricheurs comme Institubes ou Ed Banger, qui à l’époque étaient encore hyper confidentiels. On s’est rassemblés autour de ces mouvements avec plusieurs amis, et on a fait même une ou deux soirées au Rag Time si je me souviens bien…
HMiT : Tu as fait tes études à Toulouse. Pour prolonger la question précédente, peux-tu nous dire ce qu’était, pour toi, la scène toulousaine de l’époque ?
Pour tout te dire cette époque est vraiment lointaine, et je n’ai que très peu de souvenirs… Juste notre bande de potes qui faisait des découvertes quotidiennement, dans un champ d’influences assez large. Je me souviens particulièrement d’une soirée de Goon & Koyote lors de laquelle on avait pris une énorme gifle sur de la bass music… Par la suite je me suis mis à acheter tous les disques de Ghetto Tech et Chicago House qui me passaient sous la main. Aussi un superbe après-midi aux Siestes Electroniques devant des bizarreries musicales. Mais on a très vite tous bougé sur Paris. Je pense qu’on avait d’autres aspirations et que la scène était malheureusement un peu étroite ici. Je suis d’autant plus content d’être revenu à Toulouse pour jouer une dizaine d’années après avoir quitté la ville rose, on voit que ça bouge partout en France !
HMiT : Tu as quitté le Sud-Ouest depuis maintenant un certain nombre d’années pour venir t’installer à Berlin. Qu’est-ce qui a motivé ton choix ?
Comme je te le disais à la question précédente, je suis d’abord allé m’installer à Paris où j’ai vécu 4 ans et fait mes premiers pas dans l’industrie musicale, j’ai bossé pour le Triptyque, fait de la communication chez Phunk Promotion et enfin j’ai vraiment trouvé mes marques aux côtés de Filipe et Nadir chez We Become. On organisait divers événements (entre autres Terrassa au Concorde Atlantique ou au Bataclan…) et j’ai pu apprendre pas mal de ficelles et rencontré énormément de monde grâce à eux. Mais malgré tout je ne me suis jamais vraiment senti chez moi à Paris. Je pense que c’est surtout dû à une question d’éducation et au fait que je ne vienne pas d’une grande ville à la base. Berlin m’a toujours plus attiré, l’espace, le rythme et le côté plus relax, et aussi un côté plus underground sûrement. J’y faisais des séjours réguliers, puis suite à une rencontre très particulière je me suis définitivement installé là-bas en 2010.
HMiT : On a souvent ici la vision d’un Berlin très techno. C’est une image assez réductrice. Peux-tu nous brosser un profil musical plus large de la capitale allemande ?
C’est une excellente question car le paysage musical à Berlin est loin d’être évident en ce moment, même pour quelqu’un qui y vit ! Cela restera toujours la capitale européenne de la Techno, avec des institutions comme le Berghain ou le Tresor et des endroits radicalement dédiés au genre. Mais comme la ville rassemble un très grand nombre d’artistes et de gens liés à la scène électronique, le paysage est plus varié qu’il n’y paraît. Malgré tout, les différents courants peinent un peu à se faire représenter. Ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu à mon avis, ce sont les enfants de Zip et de l’esprit Perlon / Club Der Visionaere. Il y a une grosse énergie autour de crews comme Treatment, Slowlife ou des mecs comme Nicolas Lutz, ou nos potes de Finest Hour. C’est vraiment une musique qui est inscrite dans les gènes de la nuit berlinoise. Le Watergate de son côté a récupéré une scène tech-house minimale qui pourrait être décrite comme à mi-chemin entre Ibiza et la grande époque de la fameuse minimale berlinoise. Il y a aussi le Renate qui a récupéré l’esprit festif du Bar 25. Pour ce qui est des choses qui m’intéressent plus personnellement, des gens comment JAW, Altered Soul Experiment ou Lerato & Tama Sumo invitent régulièrement des pointures de la musique Soulful et font des événements soignés. Enfin il y a toute une jeune génération de kids qui militent fortement pour le retour de la rave et de l’état d’esprit 90’s dans des endroits comme le Griessmuehle ou OHM, avec une énergie incroyable, mais étant un petit peu déconnecté de cette génération, j’avoue des fois avoir un peu de mal à suivre tout ce qui se passe de ce côté-là.
HMiT : Peux-tu nous dire le parcours qui a été le tien là-bas, de la fondation du label Bass Cadet au vinyl shop, s’il te plaît ?
J’ai d’abord travaillé comme assistant au sein de plusieurs agences de booking. J’ai fait ça pendant 2 ou 3 ans en arrivant. En parallèle, j’ai rencontré Alan avec qui on a commencé à produire en tant qu’Arcarsenal. Puis on a rencontré Tolga Fidan et son frère Atilla, et suite à quelques soirées arrosées on a décidé de monter notre label, Bass Cadet et notre premier disque “Brotherhood EP” est sorti rapidement par la suite. Puis ma meilleure amie Laura m’a rejoint à Berlin et m’a proposé de nous associer pour monter un magasin, et je lui ai proposé de le mettre sous l’enseigne Bass Cadet. Aujourd’hui on est toute une bande de potes réunis autour du magasin, de différents labels distribués par notre pote Fede au sein de Off The Grid Distribution, de On Board, l’agence de booking de Laura et d’un studio en commun. C’est très créatif et on s’inspire tous mutuellement. Si on prend un peu de recul, on est tous dans une superbe dynamique.
HMiT : Quelles sont tes sources d’influence principales ?
C’est assez large, et surtout en perpétuelle évolution. Cela peut aller du New Age à la Soul, ou la musique minimaliste en passant par la bonne vieille Tech-House ou d’autres choses complètement différentes. En particulier autour du projet Solune, j’essaie de me concentrer sur des choses positives. Je peux comprendre un certain intérêt esthétique à la mélancolie ou à la négativité, et la musique comme une activité cathartique, mais je crois que j’ai passé une étape de ma vie où je veux me concentrer principalement sur les choses qui m’aident à avancer. Sans être trop naïf et ingénu, je pense qu’il y a beaucoup de choses à gagner à essayer de se concentrer sur des énergies positives plutôt que de broyer du noir. Cela ne mène à rien de très constructif au final à mon avis. En tout cas, j’essaie de ne pas me mettre d’œillères, je suis en fait surtout attentif à l’énergie dégagée par la musique. En ce moment, j’écoute en particulier beaucoup de Jazz, d’Ambient et de musiques avec un côté spirituel. Et la Deep House puise énormément là-dedans, du coup c’est la base pour mes sets. Que ça soit des trucs old school ou des nouveautés de Ron Trent à Louie Vega en passant par Joe Claussell, DJ Qu, Patrice Scott, Alton Miller, Josh Milan, DJ Spinna mais aussi des artistes moins évidents comme DJ Sprinkles, AYBEE, Kuniyuki… Et j’aime bien mélanger tout ça avec quelques classiques Disco, du style Candido, Loose Joints et toute l’inspiration de Larry Levan et du Paradise Garage…
HMiT : Tu joues sur vinyles, vends des vinyles, sors des vinyles. Peux-tu nous parler de ton rapport à cet objet, s’il te plaît, et à l’analogique en général ?
Comme je te disais en début d’interview, j’ai grandi dans la collection de disques de mon père, donc pour moi ça a toujours été un objet familier, et je n’en ai été déconnecté que quelques années entre 12 et 17 ans où j’achetais beaucoup de CD. Et lorsque je me suis mis à mixer, cela a été très naturel de retourner au vinyle. Je dois dire aussi que la collection est une vraie passion. Depuis que j’ai le magasin, j’achète beaucoup plus de disques pour l’écoute à la maison et non plus uniquement pour les gigs. Je n’ai d’ailleurs qu’une platine d’écoute chez moi, pour enregistrer des mixes j’utilise le booth du magasin. Mais n’étant pas extrémiste ou tout du moins puriste jusqu’au bout des ongles, je joue aussi pas mal de digital, en particulier des morceaux tout frais sortis du studio, pour les tester en condition, des morceaux de potes, des promos que je reçois ainsi que quelques sorties qui sont uniquement disponibles en digital… Je mets d’ailleurs un point d’honneur à mettre à disposition toutes les sorties de Bass Cadet en digital sur notre Bandcamp. Pour moi la musique doit être accessible à tout le monde. Le format n’est qu’une convention au final.
HMiT : Du coup, j’ai une petite idée de certains éléments que tu peux avoir dans ton studio… Avec quoi produis-tu ?
Comme on est cinq à utiliser le même studio, et qu’on partage quand même pas mal de matériel, la liste serait un peu longue. Mais en gros comme pour le mix, on ne fait pas de chichi entre l’analogique et le digital, il y a du bon dans les deux, même si c’est vrai qu’il est moins évident pour nous de donner de la profondeur à des choses uniquement numériques. Notre routine de travail est basée autour du jam, que cela soit au sein d’Arcarsenal ou en tant que Solune, et cela s’est affirmé depuis que nous avons développé notre live-set avec Alan. Aujourd’hui on est super à l’aise avec ce format pour travailler. L’arrangement à la souris dans l’ordinateur, ce n’est pas du tout notre truc. Aussi on a la chance d’avoir une table numérique qui nous permet une grande flexibilité lors de l’enregistrement, et en particulier pour ajouter des percussions et autres gris-gris dans nos jams. On bosse souvent avec des enregistrements micros qui ajoutent une autre dimension à notre musique. En gros un track de Solune ou d’Arcarsenal ça se construit avec une boucle de départ à laquelle on ajoute des éléments jusqu’à ce qu’on soit satisfait de l’idée générale et qu’on ait une bonne vision du morceau. Ensuite on passe un bon moment à mixer les éléments entre eux. Généralement à ce moment-là on a déjà une idée de l’arrangement et on enregistre quelques jams directement en master dans notre tape recorder. Une fois qu’on a plusieurs bonnes prises, on laisse reposer, on ré-écoute et on choisit la meilleure. Une fois sorti du studio on ne peut plus revenir dessus… Cela se fait vraiment dans l’instant, et s’il y a un truc qui ne va vraiment pas, c’est pas grave, on refera un autre morceau plus tard…
HMiT : A côté du duo Arcarsenal que tu formes avec Alan Mathias, tu as ton projet solo, Solune, pour lequel nous t’invitons. En quoi le travail est-il différent ? Quelles sont les actualités de ces deux projets ?
Le fait d’avoir plusieurs projets et alias me permet plus facilement de jongler entre les courants, les envies et les influences sans trop me prendre la tête. En tant que Solune, je viens de sortir mon premier EP “Journey Of The Folktales” sur Bass Cadet en septembre, et à la fin du mois j’ai un projet très personnel qui sort sur cassette qui s’appelle “Alteration-Cycles”. C’est un album d’ambient et d’electronica très spirituel qui est basé entre autres sur des field recordings que j’ai réalisés lors d’un voyage au Mexique. En Novembre je vais aussi sortir une mixtape Jazz / Ambient sur By The Inch, le label d’un copain. En ce qui concerne Arcarsenal, notre travail avec Alan est plus basé sur l’expérimentation et la performance. On s’apporte beaucoup tous les deux, du coup quand on travaille ensemble on essaie toujours de se dépasser et on est généralement hyper exigents l’un envers l’autre. Arcarsenal ça ira toujours plus vers des choses psychédéliques, un peu plus mentales, des fois un peu plus sombres, des fois plus Techno… On sort notre prochain EP sur Finest Hour dans quelques semaines et il y aura surement quelques sorties en 2017 dont une sur Bass Cadet. Enfin, je sors également en novembre un disque sous le pseudo Uqbar, c’est un EP qui oscille entre Electro et Techno, du coup ça collait pas sous la bannière Solune. Et aussi il y a une sortie undercover avec Alan sur le label d’un ami, à vous de découvrir laquelle… ;)
HMiT : Enfin, pour permettre à ceux de nos lecteurs qui étaient présents à la soirée de se replonger dans ton set, peux-tu nous donner une sélection de 5 titres que tu aimes jouer en ce moment ?
Pour prendre un peu le contrepied du disquaire grincheux, voici le top 5 des derniers morceaux que j’ai achetés en digital et que, pour certains, j'ai joués à Toulouse :
- Josh Milan - The Dogon People
- Louie Vega - A New Day (Ron Trent Remix Instrumental)
- Elements Of Life - Into My Life (Main Mix)
- Dj Qness - Time (Ron Trent Remix)
- Chris Perez Project - Singularity (Main Mix)
Merci beaucoup à toi de nous avoir accordé cette longue interview !
Deux liens pour conclure :
1) Le dernier EP de Solune :
2) La cassette ambient et electronica à paraître :
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